Le blog de Rhalph

Beltaine.

Trois jours auprès du Hêtre, comme l'année dernière, cette fois qui a changé ma vie.

On devait être une quinzaine, et on n'était plus que six (Gwenn, Ju, Isatis, Nancy et moi, plus Aurélie qui devait arriver le lundi). Tout le monde s'est décommandé, à chaque fois pour des raisons parfaitement valables, mais tout le monde s'est décommandé quand même. 

Le temps abominable qui durait depuis deux semaines et qui était prévu pour le weekend nous a fait nous demander si on allait vraiment y rester les trois jours. Il fut décidé qu'on tenterait quand même, quitte à rentrer à Rennes au chaud dimanche pour repartir lundi et fêter Beltaine le soir.

Je commence vraiment à croire que quand on dit "ça peut pas être pire", Dieu / les dieux / les esprits répondent "Challenge accepted".

On est arrivé au Brécilien, la patronne qui nous connaît bien nous a dit qu'elle ne voulait pas nous déprimer mais que près de la fontaine de Barenton, c'était abominable, qu'il y avait des arbres coupés partout. C'est peut être le moment de rappeler que 80% de Brocéliande est un terrain privé, incluant le Hêtre de Ponthus. Ce terrain fait partie d'une exploitation forestière.

Bon. Nous sommes tant bien que mal arrivés à la fontaine. De la boue partout comme on n'a jamais vu ça, des arbres coupés en pagaille, effectivement.

Et puis, en route vers le Hêtre. Une barrière qui n'y était pas la dernière fois nous a fait pester, mais bon, elle était juste là pour dissuader. À 300 mètres du Hêtre, on aperçoit un tractopelle sur le bord de la route. À 200 mètres, on enjambe les énormes traces de pneu dudit tractopelle, traces emplies d'eau boueuses.

À 100 mètres... "Oh putain".

(Cliquez pour agrandir)

Un gigantesque pin s'est écroulé sur le Hêtre il y a deux ou trois jours, arrachant une des branches principales. Partout autour, d'autres arbres tombés, ou abattus, des amas de branches mortes disséminés alentour. Des traces de pneus passés allègrement là où on avait pris l'habitude de faire le feu. Des arbres jouxtant le Hêtre marqués d'un gros trait jaune voulant dire, "you're next".

On ne reconnaissait pas l'endroit. On avait envie de pleurer.

Une fois le choc initial à peu près passé, on s'est dit qu'avec le fait que tout le monde se soit décommandé, qu'il fasse un temps épouvantable, que le Hêtre soit blessé, ben... il fallait peut-être arrêter d'insister. On repartirait le lendemain. Ils avaient prévu des rafales de vent et la dernière chose dont on avait besoin c'était qu'un autre arbre s'écroule sur nos tentes.

La soirée fut agréable, au moins. Une fois qu'on eut réussi à faire un feu. La pluie battante contre la tente, la nuit, était une indication de ce qui nous attendrait le lendemain matin.

Le lendemain matin, sans la brume de la veille, le vue était pire.

(Cliquez pour agrandir)

Pour reprendre l'analyse d'Isatis, le terrain est une exploitation forestière et les pins ont commencé à être exploités dans la zone autour du Hêtre, fragilisant le réseau de racines. La terre gorgée d'eau et la tempête d'il y a quelques jours ont fait le reste.

On est rentrés à Paimpont en faisant un tour à la boutique de minéraux, où on leur a appris ce qui était arrivé au Hêtre. Ceux qui tenaient la boutique étaient écœurés. La patronne nous a dit que le proprio du terrain n'était "pas très arrangeant", sous-entendant que c'était un gros con. Elle a également ajouté qu'on n'avait de toute façon pas le droit d'y aller et qu'on ne pouvait donc en théorie rien dire (c'étaient des faits qu'elle détaillait, on sentait bien qu'elle non plus n'avait absolument rien à foutre de cette interdiction). Toute la forêt est en train d'être verrouillée, le Hêtre du voyageur est maintenant inaccessible (barrière, barbelés et tout).

Surtout, elle a dit que si le proprio commençait vraiment à en avoir marre, le Hêtre allait y passer aussi.

Ça nous a un peu glacé le sang.

Je veux dire, même les non-mystiques sont sensibles à la beauté. Même le dernier des connards devrait trouver cet arbre Beau. Je crois. Enfin, je le pensais, avant. Maintenant je doute.

Je passerai sur ce que je pense de cette exploitation forestière, de leur projet de centre d'enfouissement des déchets dans le coin, et surtout de la possibilité de "posséder" un arbre vieux de plusieurs siècles et d'avoir le droit de le couper sur un coup de tête.

Ce sur quoi j'essaie de concentrer mes réflexions, c'est savoir ce qu'on peut faire pour arrêter les dégâts. Et je sais pas.

Contacter le proprio pour lui demander de ne pas se servir de son tractopelle comme un gros bœuf, et de ne pas toucher à la zone autour du Hêtre pour ne pas fragiliser le réseau de racines, bref, en appeler à sa raison ? Quelle que soit la manière dont c'est présenté, je vois pas comment ça pourrait marcher.

Contacter une asso ? Terrain privé, je doute qu'elle puisse faire quelque chose.

Je sais juste pas.

Cette nuit, à 5h du mat, après une nuit de merde et un mail qui m'a achevé, je me suis demandé ce que je foutais dans cet appart moisi.

Mais reprenons.

Ce weekend, donc, j'ai déménagé.
Je voudrais dire un gigantesque MERCI à tout le monde, vous avez tous assuré - parce que moi, en bon noob du déménagement, c'était pas le cas.
On a loué la camionnette et oublié le diable dans la voiture. J'ai pas pensé à me munir de sangles. J'ai pas pensé à prévenir Magali qu'on arrivait le matin tôt, et j'ai pas non plus pensé que tiens, il faudrait débarasser les meubles que je comptais embarquer de toutes les affaires qu'il y avait dessus. Elle l'a fait pour moi (merci et encore désolé).

J'étais au bord de la crise de nerf (ou de la tétanie) lors du déménagement. Je savais pas par où commencer. C'est un peu eux qui ont fait tout le boulot pendant que j'essayais d'aterrir. 

Ça a moins été la panique, pour la deuxième partie, l'emménagement. On a fini relativement rapidement, un peu avant 13h... Et on s'est tous posé dans le canapé/les chaises, et ça a été pizzas pour tout le monde.

Clément m'a vendu sa cuisinière à induction, et branché le câble. C'est franchement fantastique, ce truc... Ça va vraiment m'aider à me mettre à cuisiner (si je me contente pas à scotcher dessus en faisant bouillir de l'eau en disant "ooooh c'est trop rapide c'est trop bien c'est magique *_*")

Gwenn et Julien ont passé le weekend dans mon appart - Ju repart ce matin, Gwenn vendredi. Ça me fait du bien de les voir et de pas me retrouver seul d'un coup.

J'ai fini de ranger tout mes cartons. Tous. Je suis assez content de moi sur ce coup là... 

Voilà, pour l'emménagement. Maintenant on va commencer la partie déprime.

J'envisage très sérieusement de redéménager dès que possible. Il y a une flopée de trucs qui ne vont pas dans cet appart et que je n'avais pas remarqués : la chasse d'eau fuit, il y a plusieurs prises électriques qui ne fonctionnent pas, l'installation électrique est de manière générale complètement pourrie. L'isolation aussi, vu qu'on entend pas mal la circulation, ce qui est un comble vu qu'on est au 8ème étage. Je ne parlerai pas des taches sur le parquet, de la grande plaque qui fait sauter les plombs (m'en fous, j'utilise pas les plaques, mais quand même) ou encore des volets qui ont trente ans et qui font un bruit monstrueux. 

Hier, on a utilisé l'ascenseur, et ça puait le poisson, dedans. Ce matin, ça sentait le poisson DANS mon appart. 

Tout ça à la rigueur je pourrais encore le supporter, mais... Quand j'ai visité l'appart pour la première fois, j'ai bien insisté auprès du locataire pour savoir si l'appart était silencieux, en disant que j'avais VRAIMENT besoin de calme. Oui oui. Espèce de connard, tu n'aurais pas pu me dire à quel point ce putain d'ascenseur fait un bruit monstrueux ? Huitième étage oblige, on est tout près de la machinerie, et dans la chambre, l'ascenseur s'entend BEAUCOUP. Le son doit passer par le plafond, je sais pas, mais j'ai deux solutions : soit je m'habitue, ce dont je doute, soit je deviens fou, et c'est bien parti pour, soit je redéménage dès que j'ai refoutu des sous de côté (est-ce que je réussirai un jour ?). J'ai envie de hurler à chaque fois que j'entends ce bruit de merde.

Je suis en train de compiler une liste de tout ce qui ne va pas et je passerai un coup de fil à mon proprio cette semaine pour lui en toucher deux mots ("toucher" dans le sens "donner un coup de masse").

Voilà. J'attends avec impatience anxiété les prochaines semaines pour voir comment je vais m'habituer à cet appart, si je m'y habitue un jour.

Faut que je pense à moi, il paraît. C'est pas facile. Je sais que la décision de quitter Magali était la bonne, mais la voir souffir comme ça, ça me ronge depuis des mois. Non, j'en ai pas rien à foutre, très loin de là.

Je voulais refaire ma vie. Connaître un peu la solitude, passer par une phase de plans cul, m'isoler pour tenter de me lancer dans l'éso, enfin. Pendant la phase où j'étais perché, j'ai fait une confiance aveugle en mon intuition - notamment dans le choix de cet appart. C'est l'épreuve du feu, du coup. Si cet appart ne m'apporte rien, si le bruit m'empêche de réussir à méditer, et si je m'enfonce dans ma déprime, c'est que mon intuition c'était de la merde, et que l'éso c'était de la merde. Et je finirai en connard aigri et seul.

Niveau plan cul, c'est mort aussi ("euh non en fait je viens pas salut lol"), mail lu à 5h du mat pendant une insomnie rapidement suivie par un énervement à cause du bruit de l'ascenseur, rapidement suivi par ladite lecture de mail, rapidement suivie par un coup sec derrière la nuque à ce qui me restait de moral.

En gros : Rhalph, tu voulais te mettre à l'éso ? Tiens, il ne te reste plus que ça à faire de ta vie. Ne me remercie pas, c'est normal.

J'ai deux semaines de congés en août, qui vont me faire du bien parce que cette semaine c'est une semaine de 45h, et la suivante aussi. Si je survis à ça, je dormirai quelques centaines d'heures et on verra ensuite. J'ai plus de sous donc je peux pas aller voir des gens. Je peux en accueillir, mais je comptais passer une des deux semaines à faire ce fichu jeûne (ah oui, y'a la dermite aussi parmi la caravane de saloperies que je me traîne). Bon, on verra. 

Gwenn repart vendredi, disais-je. Après, c'est le grand saut. Je suis pas sûr d'avoir hâte. Je vais tenter de pas m'enfoncer dans ma déprime au cours des prochains mois pour ne pas être un boulet auprès de mes amis et pour faire quelque chose de ma vie, mais ça va pas être facile. La déprime, on n'en sort que par la volonté, et la déprime, ça enlève toute volonté.